J'ai quitté Sarajevo, croisé un dernier hotel qui raconte l'activité qui devait régner dans sa banlieue, et pointe vers l'est, vers les montagnes.
Quatre heures de route, quelques bons podcasts avec moi et une belle envie d'avancer.
Et puis ça y est. Il a dû se passer quelque chose là, entre Sarajevo et Zabljac.
Le temps est devenu extrêmement savoureux. Rien d’extraordinaire, juste l'évidence d'être là où je dois être. Peut être le signe que le voyage a vraiment commencé.
Le temps qui file et qui ne se ressent pas, le temps est immédiatement mouvement, espace.
La route pour atteindre ce petit village du Montenegro était un enchantement, petits lacets étroits le long des façades rocheuses, vue extraordinaire au détour de chaque virage.
J’ai béni ma tite Pigeotte, étroite et agile, même lors de méchants croisements avec des camions, au bord de précipices où mon vieux Roger n’aurait pas fait le malin. Non, je vais finir par ne plus le regretter du tout, peut être bien que ma mésaventure du début n’en fût pas une, juste un signe. Paix à ses durites.
Douane franchie à 1500 mètres d’altitude. Le froid me saisit un peu en sortant expliquer que non je n’ai pas de carte grise en papier, elle est sur mon smartphone, il a dû sentir que je ne comptais pas faire demi tour et a tamponné mon passeport un peu résigné.
Fin d'après midi, j’arrive donc péniblement chez Bogdan, l'endroit n'étant pas cartographié par le GPS.
Bogdan a 26 ans, il habite dans la ferme de ses parents, avec sa sœur Ljubica, ses tantes et oncles, ses petits neveux de 7 et 11 ans, le plus jeune, Mirko, armé d’une splendide mitraillette rouge et bleue.
Bogdan est le seul qui parle anglais. Sa maman m’accueille et je vois dans son sourire une vraie sincérité teintée d’une imperceptible peur de mal faire.
Elle est pourtant incroyable de prévenance, veille sur tout, tout le temps. A l’heure de dîner je vois débouler tout le monde s’assoir près du poêle de la pièce principale, revenant de la ville, de l’étable, de l’école.
Odeur de lait caillé qui me rappelle instantanément mes vacances, enfant, dans la maison de famille en Bourgogne.
J’ai aimé ces présences, cette chaleur familiale simple, ces regards où on se demande parfois si on se comprend bien, mais est-ce là l’important ?
Le lendemain j’ai aidé Ljubica à nettoyer la porcherie avant d’aller me perdre trois heures dans la forêt d'épicéas plus loin.
Je n’ai pas eu le cœur à les photographier pour ne rien briser de ces moments.
Sauf ce cochon, même si je sens une pointe de contrariété dans son regard !
Mercredi, direction le sud du Montenegro, l'adriatique à nouveau. Je décide de me jeter dans les bouches de Kotor.
Enorme baie, sorte de fjord, encadré par les derniers sommets des Alpes dinariques, géographie incroyable.
L'histoire de cette petite ville, Kotor, est tout aussi folle ; d’abord romaine, puis vénitienne et hongroise, puis indépendante, de nouveau vénitienne, puis occupée par les turcs, puis par la France, puis par les autrichiens, puis incorporée au royaume des Serbes et consorts en Yougoslavie jusqu’en 2003.... et aujourd’hui, Kotor fait partie du Monténégro, qui est devenu indépendant en 2006. Ouf !!!
Ah si un dernier truc dingue : l’euro est utilisé dans le pays alors qu’il n'est pas encore intégré à l'UE ... là je vous avoue ne pas avoir compris comment c’est possible alors que la Serbie dont le Montenegro faisait partie à l’époque utilisait (et utilise toujours) le dinar serbe..
Bref le Montenegro est le sujet sur lequel il ne faut pas tomber au bac d'histoire !
Je fais connaissance avec Branislav, marin, qui habite seul cette grande maison au bord de la mer. Il me raconte l'histoire de sa famille qui habite ici depuis toujours. Regard bleu pétillant, stature impressionnante, il m'inspire confiance et respect.
De ma chambre, j’entends les sirènes d’un énorme paquebot, ce bruit si particulier, mat, long et profond. Cela me fait penser aux images des grands départs, de ceux qui quittaient un continent pour changer de vie. Les adieux, le dernier regard, le dernier sourire vers ce qui a été, et l’espoir d’une nouvelle vie.
Je décide de rester une nuit de plus dans cet endroit, je m'y sens vraiment bien.
Et, juste avant de quitter le pays, au hasard d’un RV dans une marina, comme pour me dire tss tss attends tu n'as pas tout vu, je découvre « Lustica Bay »....
De loin un joli village historique du bord de mer !
De près, un ensemble immobiliser entièrement nouveau bâti de rien, barricadé (j’ai dû m’identifier pour entrer, en laissant ma voiture à 1km), aseptisé, normé, ultra contrôlé, organisé à l’extrême...
Autant vous dire que ce genre d’endroit sans histoire (au propre comme au figuré) n’est pas ma tasse de thé. Peut être parce que je préfère les vieux trucs, la patine.
En tout cas on est loin de l’ambiance de cette comédie suédoise des années 80 : Montenegro, que je vous recommande (merci Carole J pour le clin d'oeil).
Mais si ça vous fait kiffer (la page d’accueil du site vous mettra tout de suite dans l’ambiance : https://www.lusticabay.com), do not hesitate, j'y retournerai pour vous ... 😊
C’est donc ça aussi le Montenegro et sans doute mille autres choses, mais je tourne maintenant la page vers celle de l'Albanie.